LA PHOTO ET MOI


J’ai découvert la photographie assez tardivement, vers 25 ans, au cours des nombreux voyages que mes films documentaires me conduisaient à effectuer.

Adolescent, j’avais eu un petit labo argentique noir et blanc, je savais développer un film et tirer des épreuves mais l’aspect technique l’emportait sur l’intérêt artistique: la magie qui dévoilait peu à peu les contours de la photo dans le bac à révélateur me fascinait davantage que la question de savoir si j’avais sous les yeux une bonne photo.

Le prix des fournitures et la médiocrité des résultats finirent par avoir raison de cette expérience de jeunesse.

Après quelques années comme assistant-réalisateur, j’ai commencé à produire et réaliser mes propres films et accompli, pendant environ dix ans, plusieurs tours du monde. Posséder un appareil devint vite indispensable mais il remplit d’abord une fonction purement utilitaire pour mes repérages.


J’avais choisi un Nikon FM2, l’un des rares boîtiers à l’époque capable de se passer totalement d’alimentation, ce qui était un avantage énorme dans la plupart des conditions dans lesquelles je travaillais:

fm_2

Sans conteste, l’un des meilleurs appareils jamais produits par Nikon.

En dépit de mon absence confondante d’ambition en cette matière, mes images parurent malgré tout devoir peu à peu gagner en qualité artistique et c’est au cours d’un voyage au Pakistan, reliant Islamabad à la Khunjerab Pass, à la frontière avec la Chine par la route de la soie (la mythique Karakoram Highway), que la photo est véritablement devenue une passion.

KARAKORAM HIGHWAY, PAKISTAN
Photo © SL

Elle ne s’est jamais démentie depuis et, quoique je sois longtemps resté fidèle à Nikon (au point d’avoir même pu un jour visiter leur usine de Sendai, au Japon), je ne compte plus mes écarts au profit d’autres marques – Minox, Polaroïd, Konika Hexar, Contax T2, Ricoh GR, Contax SL-300, Leica M7, Olympus E1 (mon premier appareil numérique) ou de curiosités remarquables comme ce Nikon 35ti argentique:

Nikon_35

Premier compact de la marque à proposer la mesure matricielle de la lumière, il  embarque un tableau de bord à aiguilles dont l’inspiration vintage a fait florès depuis.

Peut-on faire plus clair, plus simple et plus beau?

Nikon_35_2

à gauche: distance du sujet (en mètres et en pieds) – au centre, en haut: compteur de vues (36 max) – au centre, en bas: correction de l’exposition (de +2 à – 2 IL) – à droite: ouverture

Ou ce Nikon 35 AWAF (pour All Weather AutoFocus), « compact » argentique étanche jusqu’à 3 mètres:

AWAF

Le Nikon 35 AWAF, celui qui brillera lorsque toutes les autres lumières se seront éteintes

Un boîtier indestructible fabriqué avec des ressorts de camion, insensible aux variations de température et, comme dit la Reine elfique du Seigneur des Anneaux, celui qui brillera lorsque toutes les autres lumières se seront éteintes.
Indépendamment de son côté baroudeur, il possédait une excellente optique très lumineuse et je l’ai gardé longtemps en second boîtier.


Je suis aujourd’hui scénariste et, au fil du temps, la photo a pris une tournure différente dans ma vie, elle s’invite dans ma façon d’écrire, de réfléchir aux personnages ou de concevoir et d’utiliser l’espace et les décors. Par ailleurs, j’aime bien aller sur les tournages et passer un peu de temps avec les comédiens et les techniciens, boîtier en mains.

Pour terminer, je me dis souvent que si je n’étais pas scénariste ou, si l’on veut, dans l’écriture, je serais dans la photo.

Peu importe, au fond: écriture et photographie sont deux moyens différents d’écrire la même histoire.
Et quoiqu’il en soit, le scénario doit, tôt ou tard, se transformer en une suite d’images.

Sinon, il finit dans un tiroir.

MoiPak_1
KHUNJERAB PASS, PAKISTAN
Photo © SL